mercredi 6 novembre 2013

Designing History (suite)

B42-Transmettre-Histoire_scaled 

Voici un petit compte rendu de l'ouvrage dirigé par Gilles Rouffineau, Transmettre l'histoire/Passing on History (2014), à paraître aux éditions B42, et que j'ai déjà mentionné dans un précédent billet. Cet ouvrage est issu d'une journée d'étude qui s'est tenue à l'Ecole régionale des beaux-arts de Valence en 2011 autour des modes de transmission graphique, visuelle et scénographique de l'histoire. J'ai tenté de chausser mes lunettes « d'historienne visuelle » pour en filtrer les éléments les plus déterminants pour notre atelier : que peuvent nous apporter le design et les designers à notre projet « d'histoire(s) visuelle(s) » ?
 Revenons d'abord avec Sean Takats (CHNM) sur la définition et l'étymologie même du mot design (ça ne consiste pas à « fabriquer des chaises » plus ou moins biscornues...) : au sens fort du verbe anglais, le design est une «activité de conception, réflexive et critique, qui suppose « un délai et une mûre réflexion entre la conception d'une action, l'élaboration des moyens nécessaires à sa réalisatio et l'évaluation » (Potter 2011). Nous sommes en plein dedans : encore à la phase de maturation de la réflexion me semble-t-il, même si certain(s)s sont déjà en train de tester et évaluer certains outils (Scalar...). Donc le design ne se réduit pas au choix d'un template ou d'un thème : ce n'est pas une pure question d'esthétique, les implications épistémologiques sont fortes, et le processus prend du temps...
J'ai pu dégager quelques pistes méthodologiques ouvertes par des études de cas concrets de plateformes ou d'outils conçus par des designers, que je répartis par souci de clarté en trois cercles concentriques (cf. tableau pour les détails – mon amour des tableaux est un mal incurable...), en progressant par élargissements :
  1. Outils d'historiens ou tournés orientés vers l'histoire/mémoire (1er cercle) : ETA Datascape, Omeka
  2. Outils muséographiques ou patrimoniaux (2eme cercle) : Musée Nicéphore Niepce (histoire de/par la photographie), Exposition Repères (Cité de l'immigration), Exposition Pariétale (grottes de Margas), « Le Vase qui parle » (Université de Lille – ajout perso - trouvé à Marseille)
  3. Outils d'archéologues ou inspirés de la démarche archéologique (3eme cercle) : Le Sombre abîme du temps : mémoire et archéologie (Olivier 2008) ; le Big Chart de Macunias (1973)
Ces trois territoires sont parcourus par plusieurs questions transversales - et que nous nous posons aussi :
  • Construire une base de données : l'archive seule ne fait pas l'histoire ; problèmes de classements, mises en relations et principes de recherche / consultation / navigation dans la base.
  • Quelles relations entre images-sources et mots (métadonnées et méta-discours de l'historien) ? Mots écrits ou mots dits – entendus (effets sonores) ? Jusqu'où peut aller l'historien dans la réduction ou condensation des textes, voire dans l'absence de texte (silence de l'historien pour laisser « parler » ses sources : une illusion) ?
  • Mémoire(s) et matérialité des images-sources. Avec leur concept d'objet-mémoire les designers invite à prendre en compte nos images (et nos sources de manière générale) pour elles-mêmes, à tenir compte de spécificités, de leur « matérialité ». Être attentif au temps des sources, tenter de restituer leur temporalité(s) propre(s) et souvent complexes, plutôt que de les couler dans le moule d'un temps conventionnel, homogène, lisse et uniforme. Être conscient que les images-sources sont produites, diffusées, « reçues » dans des contextes différents, ce qui introduit parfois des décalages temporels ou interprétatifs. Essayons de rendre cette matérialité et cette temporalité spécifique des images dans nos récits visuels. Comment articuler ce temps des sources avec le temps de l'analyse – du récit historique, souvent linéaire et chronologique, peu apte à accueillir la complexité et la discordance ? Deux dimensions : (1) temps des sources (2) temps de la source (qui peut superposer ou enchevêtrer plusieurs couches temporelles, différents contextes et ordres de réalité).
  • (Po)Et(h)ique du fragment. Image-fragment (un élément de la totalité qu'est la « base de données ») et fragment d'image (possibilité d'isoler des détails, de revenir au contexte global, de jouer sur les échelles). Problèmes des lacunes de la documentation aussi (métadonnées partielles ou incertaines).
  • Public(s) : définir et connaître son public(s). Quel est notre public ? Une question à se poser, qui a des implications sur l'outil, le support (site/plateforme en ligne, application mobile?), sur le format et les contenus de nos productions. Simplement nos pairs (rester dans l'entre-soi) ou au-delà du monde acadmique ? Dans quelle mesure participe-t-il au processus de production du savoir historique (depuis le simple lecteur « passif » fournisseurs de sources, en passant par l'interprétation, l'intervention dans l'écriture de même de l'histoire, ou l'évaluation en aval) ?

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